Sapeurs-pompiers : des pistes pour poursuivre la féminisation des effectifs

04 août 2020


 

Publié le 30/07/2020 • Par Béatrice Girard • dans : A la Une RHActu experts prévention sécuritéFranceToute l'actu RH

Adjudante-cheffe Hélène Gevaert, sapeur-pompier volontaire au centre de secours et d'incendie de la vallée de la Lys (Nord)
Adjudante-cheffe Hélène Gevaert, sapeur-pompier volontaire au centre de secours et d'incendie de la vallée de la Lys (Nord) E.Le Brun/Lightmotiv
 

Stéréotypes de genre, progressions de carrières peu encouragées, mauvaise visibilité de la profession… Autant de raisons qui maintiennent les femmes éloignées de la profession de sapeur-pompier. Le sujet de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les Sdis a fait l’objet d’un colloque à Toulouse en mars dernier. Depuis, le député LREM Fabien Matras a déposé une proposition de loi pour prendre en compte ce sujet.


Depuis 1976, la profession de sapeurs pompiers s’est ouverte aux femmes. Pourtant, depuis cette date, elles n’y gagnent du terrain que très lentement… En 2016, le taux de féminisation des sapeurs pompiers professionnels est de 4 %. Il plafonne à 16 % chez les volontaires. Un constat qui a décidé les services d’incendie et de secours (Sdis) à consacrer un colloque national au sujet de l’égalité entre les femmes et les hommes, à Toulouse, les 12 et 13 mars, juste avant le confinement. La Gazette était présente et revient sur les bonnes pratiques qu’y avaient été présentées.

Dans les territoires, et depuis 2016, année du plan d’action gouvernemental pour diversifier les recrutements dans la profession, les Sdis prennent la question de la féminisation de leur profession à bras le corps. Au Sdis de Haute-Garonne, un groupe de travail sur l’amélioration des conditions de travail et des femmes (ACTAF) a été déployé.

Il prévoit de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes et de travailler en réseau avec les autres collectivités, de favoriser l’accueil des femmes dans les meilleures conditions. Un point qui passe par l’adaptation des casernements et la mise en place de solutions pour les gardes d’enfants. Il prévoit aussi de faciliter la progression de carrière des personnels féminins, de travailler sur la représentation de la femme au sein du Sdis, et enfin de veiller, défendre, condamner et lutter contre les violences sexistes ou sexuelles au travail.

Dans le Morbihan, le lieutenant colonel Erwan Ganne, chef de groupement couverture des risques au Sdis, veut relativiser. « Il faut positiver ! Les femmes sont de plus en plus nombreuses. Le groupement que je dirige compte 25 femmes sur 60 personnes, même s’il est vrai que nous avons encore une bonne marge de progrès sur le terrain », reconnait-il.

C’est ce qui ressort en effet du mémoire (1) dont il est le co-auteur. « Nous avons soumis 2000 questionnaires à quatre cibles différentes : des femmes non sapeurs pompiers et des femmes sapeurs pompiers, des hommes sapeurs pompiers et des chefs de centre, puis nous avons recoupé pour avoir le regard de chacun. » Il en ressort notamment qu’en matière de recrutement, les chefs de centre sont favorables à un taux de féminisation d’au moins 30 % de leurs effectifs. Une opportunité qui permettrait de doubler les effectifs féminins actuels.

Accroitre la visibilité de la profession 

Pour le lieutenant colonel Ganne, « il faut aussi s’attacher à accroitre la visibilité de la profession auprès des jeunes filles dès l’enseignement secondaire, en étant présent sur les forums. Les filles ne nous connaissent pas bien et du coup se dirigent davantage vers les examens des forces de sécurité intérieure, la police et l’armée. »

Autre recommandation, établir une période d’essai à l’entrée de la profession, notamment pour lutter contre le fort taux d’attrition des femmes au bout de cinq ans d’activité. « Une femme sur deux quitte la profession avant cinq ans d’exercice et elles invoquent le plus souvent des raisons personnelles,  observe Erwan Ganne. Etablir une période d’essai leur permettrait de mesurer et de mieux appréhender le parcours, car rappelle-t-il, les pompiers professionnels s’engagent pour quarante ans et les volontaires pour douze ans. »

Lutter contre tous les stéréotypes 

Autre conclusion de l’enquête, les images porteuses de stéréotypes sont encore trop nombreuses dans la profession. « Accélérer la mixité au plan national, diversifier la communication au travers de films promotionnels et avoir une ambassadrice porteuse de notre message, contribuerait sans doute à inverser cette tendance », estime Erwan Ganne.

Pour Marc Riedel, docteur en sociologie et chronobiologiste, il faut cependant se méfier des stéréotypes qui raisonnent de façon intuitive et habituelle. « Les premières victimes en matière de préjugés sont les femmes, mais les préjugés pèsent aussi chez les hommes », nuance-t-il. Par exemple l’impact des départs en intervention au moment du « family time » (à 21h), usent aussi bien les pompiers hommes que les femmes, ce n’est pas un problème de sexe, c’est un problème de fiabilité opérationnelle. »

Il rappelle ainsi « que chez les sapeurs pompiers, la diversification des profils dans l’effectif est avant tout une question de fiabilité et de sauvegarde des fondamentaux opérationnels. De même les changements d’organisation, tels que les formations à des horaires atypiques, les aménagements de locaux, ou les conciliations de temps de vie sont utiles aux femmes autant qu’aux hommes. »

A noter que début juillet, le député LREM Fabien Matras a déposé une proposition de loi qui intègre ce sujet. Il propose ainsi de « favoriser la parité au sein des conseils d’administration pour changer progressivement les mentalités », et « d’instaurer dans chaque Sdis un référent diversité et mixité ».

Notes

Note 01« La féminisation des effectifs sapeurs-pompiers » réalisé en 2017 dans le cadre de la formation d’adaptation de chef de groupement Retour au texte